Vous prendrez bien une petite eau dessalée ? © Philipp Kämmerer

2020 n’est pas encore terminée, mais on peut déjà affirmer que nous avons affaire à une année complexe. On en oublierait presque certaines problématiques de premier plan plus anciennes. Parmi elles : l’accès à l’eau potable. Et à défaut de pouvoir en générer ex nihilo, l’une des pistes les plus prometteuses reste celle de la désalinisation. Des scientifiques australiens viennent d’ailleurs de présenter une vraie avancée en la matière dans Nature Sustainability.

Ils ont mis au point un système novateur à base de MOF (structure métal-organique). Il s’agit d’ions métalliques coordonnés à un “échafaudage” organique, capable de former des structures uniques en leur genre. Ces MOFs sont particulièrement poreux, et agissent donc comme des “super-éponges” ciblées. Ils sont même tellement poreux qu’une seule cuillère à café de MOF compressé peut recouvrir un terrain de football une fois décompressé ! Ce processus permettrait de purifier une unité d’eau en une demi-heure. Avec un seul kilogramme de ce MOF, il serait possible de purifier près de 140 litres d’eau par jour. Une technique non seulement efficace, mais également “peu chère stable”.

Des avantages très sérieux sur le papier

En théorie, cette technique présente de très nombreux avantages par rapport aux techniques actuelles. Les principaux étant sa facilité et son coût d’exploitation – autant d’un point de vue économique qu’ environnemental. A l’échelle industrielle, il existe deux grandes méthodes de désalinisation. La première, la méthode thermique, consiste à faire évaporer de l’eau de mer.  On récupère ensuite la vapeur d’eau, puis on la liquéfie avant de recommencer. C’est un processus extrêmement énergivore et peu rentable. Il y a également des méthodes chimiques, comme l’osmose inverse. Elles se basent sur les propriétés électriques des ions de sel qui sont chargés positivement contrairement à l’eau, ce qui permet de les filtrer. Là encore, c’est un processus exigeant en énergie. Mais il a également l’inconvénient de nécessiter beaucoup d’entretien au niveau des membranes de filtrage. Cela implique également la présence d’un ingénieur-opérateur sur place.

Ce MOF change de structure moléculaire à la lumière; il adsorbe le sel dans le noir, et le relargue au soleil. © Zhang et al., Monash University

A l’inverse, cette méthode basée sur les MOFs peut être utilisée par Monsieur et Madame Toutlemonde. Il est aussi extrêmement économe en énergie. Pas besoin de batterie ou de groupe électrogène ; l’absorption se fait de manière passive. Ce système est donc utilisable dans des régions où il serait impossible d’implanter une centrale de désalinisation classique. Encore mieux : le composé est même réutilisable ! Il lui suffit de rester quatre minutes au soleil pour relarguer tous les ions de sel qu’il a emmagasiné dans ses innombrables pores. Après cette formalité, il suffit de le remettre dans l’eau pour le réutiliser. C’est donc une méthode extrêmement respectueuse de l’environnement.

Un exemple d’utilisation de ce MOF. © Zhang et al., Monash University

Une solution prometteuse à un problème concret

Ce MOF (baptisé PSP-MIL-53) est loin d’être le premier exemple appliqué à la désalinisation. C’est en tout cas le plus prometteur d’entre eux grâce à sa porosité hors-normes et le fait qu’il puisse être ainsi réutilisé. Il s’agit donc d’une piste crédible pour créer des systèmes de désalinisation à bas coût. On pourrait par exemple envisager d’en intégrer directement dans un tuyau qui pompe de l’eau de mer, et de récupérer de l’eau douce une demi-heure plus tard. Une solution simple qui pourrait sauver la vie à de nombreuses populations. D’après l’OMS, plus de 750 millions de personnes vivraient encore à plus d’une heure de marche d’une source d’eau douce.

Dessaler l’eau permettrait donc de rentabiliser les 97% d’eau salée de notre planète pour en faire une ressource au même titre que l’eau douce. Les chercheurs à l’origine du projet doivent encore étudier son impact sur la santé humaine mais à l’heure actuelle, il s’agit déjà d’un nouveau concept intéressant, au même titre que les UVs, les hydrogels ou les filtres au graphène. Reste à savoir quelle approche donnera des résultats en premier, car c’est une question de vie ou de mort pour bon nombre de communautés.

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